Dans le Nord-Est, au berceau du Zen vietnamien
Mettre à jour: 17 Avril 2018
Le mont Yên Tu se trouve dans la province de Quang Ninh (Nord-Est), à 14 km de la ville d’Uông Bi. Il est considéré comme le berceau du Zen vietnamien.

Par un matin d’hiver clément de l’an 2002, se déroule la cérémonie inaugurale de la pagode Lân et de l’ashram de la secte Zen (Thiên) de Truc Lâm d’Yên Tu dont les premières constructions remontent au XIIIe siècle. De l’esplanade devant le sanctuaire principal aménagée en forum pour des centaines d’invités, on découvre un paysage de collines et de montagnes qui s’étend jusqu’à l’horizon. La foule, en bas, envahit les pentes, foule compacte de milliers de pèlerins de tout âge, paysans et citadins, moines du Nord habillés en brun, du Centre en gris et du Sud en jaune.

Le pagode Lân

La pagode Lân tire son nom de la colline sur laquelle elle est bâtie, colline évoquant une licorne (Lân). Elle est un maillon important de la chaîne des temples bouddhiques de la cordillère du Yên Tu au nord-ouest de la province maritime frontalière de Quang Ninh (plus de 100 km au sud-est de Hanoï). Les amateurs de trekking trouvent leur compte dans une ascension parfois mouvementée. La nature reste sauvage malgré la récente installation d’un funiculaire qui couvre une portion de l’itinéraire.

Yên Tu se trouve à 14 km de la ville d’Uông Bí dont elle relève. D’où vient ce nom ? Jadis poussaient sur ces montagnes de nombreuses plantes médicinales. Un ermite taoïste du nom d’An Kỳ Sinh en avait fait des médicaments qui sauvèrent beaucoup de vies humaines. En reconnaissance de ses bienfaits, on l’a surnommé An Tu (Maître An), surnom qui, par suite d’une altération phonétique, est devenu Yên Tu.

Selon une autre version, ce personnage aurait été un magicien et géomancien chinois. Le complexe architectural de Yên Tu comprend onze pagodes qui s’égrènent du pied au sommet du mont Yên Son, à 1.068 m d’altitude. Le pèlerinage commence par Bi Thuong dont l’édifice a été détruit par les troupes françaises pendant la première guerre d’Indochine (1945-1954).

On arrive ensuite à la pagode Trinh ou au Ruisseau de la Baignade (Suôi Tam) où le roi Trân Nhân Tông (1279-1296) s’est baigné pour se débarrasser des poussières du monde des mortels avant de monter vers la pagode de l’Abstinence (Câm Thuc). Là, il s’est privé de manger après avoir donné sa ration à trois brigands. Le pèlerin arrive à la pagode Lân (Licorne) dont nous avons parlé.

Le Ruisseau de l’Absolution (Suôi Giai Oan) l’attend avec son anecdote: lorsque le roi s’enfonçait dans le Yên Tu, le prince héritier y envoya des femmes du harem pour prier son père de rentrer. Comme le souverain ne revint pas sur sa décision, les femmes se donnèrent la mort. Une pagode fut érigée en leur honneur.

La piste grimpe à travers une magnifique forêt de pins séculaires pour déboucher sur une plate-forme surmontée d’une élévation. Ici sont regroupés 97 stupas et tombeaux autour de la Tour du Patriarche (Tháp Tô) qui conserve les cendres du roi Trân Nhân Tông. L’effet architectural est impressionnant.

Sept cent ans

On accède à Hoa Yên (Brume de Fleurs), pagode principale à mi-hauteur qui abrite la statue en bronze de Trân Nhân Tông. Sur une cloche du XVIIIe siècle est gravée l’histoire de la secte Thiên de Trúc Lâm. Fleurs blanches d’un frangipanier de 700 ans, œillets d’Inde, chrysanthèmes de longévité sur le versant d’une montagne…, univers de recueillement et de pureté.

Après une nuit passée dans la salle des hôtes, bercée par le susurrement des pins et le murmure du ruisseau, on reprend l’escalade. À partir de la cascade Tu qui déverse ses jets argentés d’une hauteur de 10 m, la voie se fait abrupte. De la pagode Vân Tiêu (Où se dissipent les Nuages), il ne reste plus que des fondations. En bas s’étale à perte de vue une somptueuse forêt de bambous avec toutes sortes de variétés.

L’étape finale est une véritable épreuve d’endurance et de foi (des femmes de 80 ans la franchissent à force de prière) à cause de l’absence de marches de pierre et de la pente abrupte. D’un étroit défilé, on voit soudain apparaître dans le brouillard un bonze en train de faire sa prière. En réalité, c’est un rocher de forme humaine, pétrification dit-on, de l’ermite An Ky Sinh, le cueilleur de simples.

On atteint enfin le sommet où se trouvait la fameuse pagode de Bronze (Chùa Dông) construite aux XVIIe-XVIIIe siècles. Cet édifice détruit a été remplacé par une construction en béton (1930) et une autre en bronze (1993) de même modèle. Tout autour règne la forêt primitive de palétuviers, des rochers portant l’empreinte des vagues, des coquilles de mollusques. De cette cime, l’œil embrasse la baie de Ha Long, la ville portuaire de Hai Phong, la plaine deltaïque de Hai Duong, des montagnes et des forêts à l’infini.

Il y a 700 ans, le roi Trân Nhân Tông a fondé la secte Thiên (Zen) de Trúc Lâm (Forêt de Bambous) dans le Yên Tu. Plusieurs rois Trân se sont distingués en menant à bien les affaires temporelles et spirituelles. Ils ont repoussé les invasions mongoles et créé un État marqué par de remarquables réalisations économiques et culturelles. Ils ont en même temps propagé un bouddhisme populaire et tolérant, auquel se sont amalgamés le confucianisme, le taoïsme et les croyances autochtones.

L’ouverture de l’ashram de la pagode Lân venant après d’autres ashrams Truc Lâm (à Dà Lat, Dông Nai, Nha Trang…) est un digne effort de rénovation dont le mérite revient au supérieur Thich Thanh Tu.

AVI