Le lotus en papier de Huê renaît de ses cendres
Mettre à jour: 13 Janvier 2015
Apparus pour la première fois au Festival de Huê 2008, les lotus stylisés du village de Thanh Tiên, ville de Huê, sont devenus des objets symboliques de toutes les festivités organisées dans l’ancienne capitale du Vietnam.

Au village de Thanh Tiên, ville de Huê, les visiteurs peuvent admirer un lac fleuri toute l’année. «Nos fleurs de lotus artificielles, en papier, figurent à chaque Festival de Huê. Elles servent d’accessoires pour les danses traditionnelles», vante le peintre Thân Van Huy. C’est au Festival de Huê 2008 que les lotus en papier du village de Thanh Tiên sont apparus pour la première fois devant les visiteurs vietnamiens et étrangers. Le mérite revient au peintre Thân Van Huy, 65 ans, qui a façonné à lui seul 150 lotus. Une réussite formidable, quand on sait que ce métier artisanal - la fabrication de fleurs en papier - avait été abandonné durant 50 ans.

Fleurs dédiées au culte

Originaire de Thanh Tiên, un village de métiers de Huê, Thân Van Huy a été ensorcelé, dès son enfance, par la beauté des fleurs en papier fabriquées par les artisans de Thanh Tiên. Diplômé de l’Université des beaux-arts de Huê en 1976, Huy a exercé diverses professions, avant de retourner aux arts, précisément à la peinture. Au cours des années 1994-2000, ses œuvres picturales, notamment celles représentant la fleur de lotus, ont été encensées lors d’expositions d’arts à Huê, Dà Nang, Hô Chi Minh-Ville et Hanoi.

Au début du XXIe siècle, le peintre Huy a pris une décision importante : faire revivre le métier traditionnel de son village natal, tombé dans l’oubli depuis plus d’un demi-siècle. À Thanh Tiên, le métier de fabrication de fleurs en papier Tiên a connu une histoire de 300 ans avant de péricliter. Des générations d’artisans de talent avaient créé des fleurs stylisées, à partir de papier et de bambou. Leurs créations s’inspiraient du lis, du chrysanthème, de l’œillet, de la rose, du lotus…

Ces fleurs artificielles étaient initialement destinées au culte des génies tutélaires dans les temples. Elles n’étaient renouvelées qu’une fois par an, à l’occasion du Têt traditionnel (le Nouvel An lunaire). Une belle tradition qui se perpétuait non seulement à Huê, mais aussi dans les provinces environnantes de Quang Tri et Dà Nang (Centre). Avec le temps, ces fleurs sacrées trônaient même sur les autels des ancêtres des habitants locaux.

Symbole des fêtes

«La disparition du métier artisanal de mon village à cause de la guerre, il y a plus d’un demi-siècle, m’a fait mal au cœur», confie le peintre Huy. Et d’avouer qu’il a consacré de longues années pour le relancer. La fleur de lotus reste son modèle préféré. «Le lotus est le symbole du bouddhisme, selon la tradition vietnamienne, explique-t-il. J’ai fait beaucoup de tableaux décrivant l’âme du lotus. Néanmoins, ma +soif+ ne semblait pas encore étanchée. Désireux d’exprimer mon amour pour cette fleur sacrée, j’ai utilisé l’art artisanal de chez moi».

Secondé par son jeune frère Thân Van Hoài, le peintre Huy a fait ses preuves cette fois-ci avec le lotus stylisé. Le lotus en papier de Huy est le fruit d’une combinaison ingénieuse entre artisanat et peinture, en premier lieu dans l’art de la teinture. Les couleurs du pétale sont nuancées, allant du rose foncé au blanc, en passant par le rose et le rose clair. D’ordinaire, une fleur se compose de 8 à 12 pétales qui entourent des étamines de couleur jaune. Si la fleur et la feuille sont faites avec du papier, le réceptacle floral est en éponge artificiel et la tige en bambou. Le lotus stylisé en dit long sur l’esprit créatif, le sens esthétique, la dextérité et la patience de l’artisan.

Renaissant de ses cendres au début du XXIe siècle, les lotus en papier de Thanh Tiên se présentent désormais comme objets symboliques lors de toutes les festivités locales, dont le Festival bisannuel de Huê, les festivals annuels de métiers artisanaux, les défilés de mode, les échanges culturels et artistiques... Ils sont exposés en permanence dans les palais royaux de Huê.

Un métier lucratif

Depuis 2011, avec le soutien du Centre de création d’emplois de Huê, Huy a ouvert des cours de formation professionnelle à l’intention des jeunes locaux. Et Thanh Tiên est devenu un grand producteur de fleurs en papier. «Mon village compte 17 ateliers familiaux, dont 4 sont spécialisés en lotus. On reçoit régulièrement des commandes d’achat, du pays comme de l’étranger. Récemment, mon atelier a exporté vers la Belgique un lot de 1.000 lotus», s’enorgueillit Huy.

La production de lotus en papier à Thanh Thuy lui a donné un second souffle, avec l’afflux de touristes. L’atelier de Huy est aussi un lieu de visite très couru. Ici, le visiteur peut façonner un lotus, épaulé par un artisan. «Ce n’est pas facile du tout, mais j’ai enfin réussi. Je rapporterai ce joli lotus chez moi», confie Wright David Denning, de Grande-Bretagne. Pour Anh Ngoc, de Hanoi : «Le travail m’a captivé. Et je me réjouis d’avoir en main la fleur que j’ai faite moi-même». À noter que Thân Van Huy est inscrit dans la liste des recordmen vietnamiens, en tant que «premier Vietnamien à avoir fait revivre le lotus en papier».

CVN