Quand les jeunes se prennent de passion pour le ca trù
Mettre à jour: 29 Septembre 2014
Le ca trù, cet art musical académique faisant partie du patrimoine mondial de l’UNESCO, attire de plus en plus la jeune génération. Dans les clubs de ca trù, vieux artistes côtoyent jeunes musiciens et jeunes chanteuses. Ce sont eux qui décideront de l’avenir du ca trù.

En 1999, le vieux Ngo Trong Binh, domicilié dans la province centrale de Thanh Hoa, montait à Hanoï pour faire renaître le club de ca trù « Bich cau dao quan ». Ça faisait plus d’un demi-siècle qu’il n’avait plus touché son instrument. Mais depuis, il s’investit totalement dans la pratique et surtout dans la transmission de l’art du dan day, la cithare rectangulaire du ca trù. Ces dernières années, Ngo Trong Binh n’a plus la force de monter jusqu’à Hanoï. Il reste dans sa province - Thanh Hoa - où il a créé son propre club de ca trù, baptisé Huong xua - Parfum d’antan, en français.

«La passion du métier est quelque chose d’inaltérable. J’ai transmis mon art à plusieurs citharistes, chanteuses et tambourinistes. Je me devais de restaurer l’art du ca trù, sinon je me serais senti coupable vis-à-vis de mes ascendants mais aussi des générations futures», a révélé M. Binh.

«Dans mon club, certains sont vendeurs de légumes, d’autres, conducteurs de moto-taxis. Le fait de maintenir un fonctionnement régulier du club est déjà très difficile. Mais ça marche, puisque tout le monde est extrêmement motivé», a-t-il poursuivi.

À 85 ans, Ngo Trong Binh a participé à de nombreux festivals, obtenu de nombreux prix, mais pour lui, le plus important est de créer une génération prête à entretenir la flamme. Il est heureux de constater que les clubs de ca trù attirent de plus en plus de jeunes. Chacun compte en moyenne trois ou quatre jeunes chanteuses qui, chaque fois qu’elles lèvent la voix, sont écoutées attentivement et avec admiration par les spectateurs.

Nguyen Thi Thanh Dung, 13 ans, fait partie du club de ca trù du district de Thuan Thành, dans la province de Bac Ninh. Elle a estimé : «Je dois aller à l’école tous les jours. Je peux suivre des cours de ca trù uniquement le dimanche ou quelques soirées dans la semaine, pendant une ou deux heures seulement. C’est très difficile de mémoriser les chansons. Après qu’elles m’aient été transmises oralement par Nguyen Thi Thiep, je dois ré-écouter l’enregistrement, le retranscrire dans mon cahier et ré-écouter encore plusieurs fois, jusqu’à en comprendre vraiment le sens. Il faut aimer ces chansons pour pouvoir les apprendre.»

Certes, les jeunes ont encore beaucoup à apprendre avant d’atteindre le niveau de leurs aînés, mais leur amour du ca trù est immense. C’est l’avis du professeur To Ngoc Thanh, président de l’Association des arts folkloriques vietnamiens. Il a affirmé : «Moi, j’ai demandé à ce qu’on enlève le qualificatif +urgente+ de l’expression +liste du patrimoine culturel immatériel nécessitant une sauvegarde urgente+, liste sur laquelle le ca trù a été inscrit. Maintenant, nos festivals attirent aussi des jeunes filles, ce qui veut dire que cette sauvegarde n’est plus urgente. Le ca trù renaît de ses cendres.»

Lors du dernier festival national de ca trù, on trouvait sur scène aussi bien des enfants que des patriarches. La plus jeune avait en effet 4 ans et le plus âgé, 87 ans. Les vieux artistes s’en réjouissent : la relève est assurée.
 

AVI