Cité impériale de Huê : un chef-d'œuvre de poésie urbaine retrouve son lustre
Mettre à jour: 21 Septembre 2010
Le gouvernement a mis le paquet pour achever le processus de conservation de l'ancienne cité impériale de Huê vers 2020, décrite comme "un chef-d'œuvre de poésie urbaine" par le directeur général de l'UNESCO, Amadou Mahtar M'Bow.
L'an 1981 est considéré comme le début de la renaissance du site de l'ancienne cité impériale de Huê (1802-1945) quand l'UNESCO a lancé un appel dans le monde entier pour sauver cet héritage qui tombait alors en ruine après de longues années de guerre et suite aux ravages du temps. Depuis, près de 30 ans ont passé.

Les efforts de la communauté internationale et de la nation ont réussi à sauver de nombreux patrimoines de la cour de Huê. Toutefois, un nombre assez conséquent d'objets précieux ont disparu au cours de ces dernières années. Les touristes ne cachent pas leur étonnement en apprenant qu'autrefois la citadelle royale était un ensemble architectural avec une centaine d’ouvrages tels palais, châteaux, pavillons, jardins, lacs... Aujourd'hui, seule une petite partie est encore visible.

L'ancienne capitale en danger

En 1980, le ministère vietnamien de la Culture a nommé l'architecte Hoàng Dao Kinh expert chargé de suivre la restauration des vestiges de Huê. Hoàng Dao Kinh et l'architecte Pierre Richard, spécialiste envoyé par l'UNESCO, ont procédé à la rédaction du programme de restauration. "À cette époque, le site de l'ancienne capitale était dans un état déplorable", se souvient l'architecte Hoàng Dao Kinh. "Partout, on voyait des décombres, des ruines. Les constructions encore debout servaient pour différents buts, mais leur sauvegarde était négligée". Les palais de Truong Sanh et de Diên Tho ont été cloisonnés pour faire des logements, l'esplanade Nam Giao est devenue le monument commémoratif des Morts pour la Patrie, la majorité des vestiges sont devenus des terres de culture pour le manioc et la pomme de terre. Au cours d'un mois d'enquête, avec l'aide de l'expert vietnamien, l'architecte Pierre Richard a terminé son rapport détaillé sur les vestiges de Huê. Après l'avoir étudié attentivement, une délégation conduite par Amadou Mahtar M'Bow, directeur général de l'UNESCO, s'est rendue à Huê. En novembre 1981, l'appel du dirigeant de l'UNESCO a été lancé dans le monde : "Huê doit être sauvée pour le Vietnam, car ce patrimoine exprime son identité nationale. Huê est également une partie intégrale de l'héritage de l'humanité. Il faut donc sauver cette cité pour le reste du monde".

Premier bilan encourageant

Après cet appel, 5 millions de dollars provenant de divers bailleurs de fonds internationaux et des sources financières nationales ont été versés à Huê. En 1983, le fondement économique et technique sur la restauration des vestiges de Huê a été adopté. Une décennie plus tard, les vestiges de Huê ont été reconnus par l'UNESCO en tant que "patrimoine culturel de l'humanité". Il s'agit du premier patrimoine du Vietnam reconnu mondialement, constitué d'un grand ensemble comprenant non seulement des constructions architecturales, mais encore des paysages, fleuves et cours d'eau, montagnes et collines...

En 1996, le projet de conservation et de valorisation des vestiges de la cité impériale de Huê pour la période 1996-2010 a été adopté par le gouvernement. Une enveloppe de 720 milliards de dôngs a également été versée pour sauvegarder ce patrimoine sur 3 aspects : matériel, immatériel et paysage des vestiges. En 1997, le chef de la représentation d'Asie de l'UNESCO a estimé que Huê était sortie de l'étape de "secours urgent" pour entrer dans la période de "stabilité et de développement".
Après 15 ans de réalisation du projet de conservation et de valorisation des vestiges de la cité impériale de Huê (1996-2010), "près de 100 petits et grands ouvrages ont été sauvegardés et/ou restaurés", d'après les propos du directeur adjoint du Centre de conservation des vestiges de la cité impériale de Huê, Phan Thanh Hai. La citadelle impériale a retrouvé sa forme d'antan suites aux travaux de restauration de 10 portes, des palais de Diên Tho, de Truong Sanh, du théâtre Duyêt Thi Duong... Les mausolées de Gia Long, de Minh Mang, de Thiêu Tri et de Tu Duc ont été restaurés ou sont en train de l'être. Les infrastructures au sein même de la citadelle, les mausolées ont également été remis en état, de même que certains paysages originels.

Les patrimoines immatériels relatifs à la cour de Huê ont été sauvegardés et mis en valeur. En 2003, le nha nhac (musique de la cour de Huê) a été honoré par l'UNESCO et figure sur la liste des "patrimoines immatériels de l'humanité". Cette reconnaissance permet d'affirmer l'envergure et la richesse du patrimoine culturel de Huê tant sur le plan matériel qu'immatériel. Le programme d'action national sur la sauvegarde du nha nhac a été lancé avec la participation de nombreux scientifiques, organisations nationales et internationales. Les chercheurs ont établi des dossiers scientifiques sur les oeuvres de nha nhac, de danse royale et de théâtre de la cour. Ces ouvrages font l'objet de nombreuses études et travaux de reconstitution. Certains rites religieux de la dynastie des Nguyên ont été aussi reconstitués.

Encore du pain sur la planche

En juin dernier, le gouvernement a ratifié une enveloppe de 2.300 milliards de dôngs pour achever le processus de conservation de l'ensemble du site de l'ancienne cité impériale de Huê vers 2020. "Cette nouvelle étape de restauration de Huê bénéficiera de conditions favorables, suite aux résultats et expériences obtenus de ces 15 dernières années", selon le directeur du Centre de conservation des vestiges de Huê, Phùng Phu. Toutefois, il reste encore des problèmes à régler afin de pouvoir restaurer à l'identique les différents lieux. "Huê manque d'un contingent d'experts de restauration ainsi que d'ouvriers compétents", déclare Trân Duc Anh, ancien directeur du Musée des Beaux-arts royal de Huê. Actuellement, le Centre de conservation des vestiges de Huê compte environ 700 employés, "mais le nombre de spécialistes de la restauration des vestiges reste modeste", toujours d'après Trân Duc Anh. Et d'ajouter que ce centre concentre ses efforts pour la gestion et l'exploitation des vestiges et qu'il n'existe pas encore de service de recherche scientifique sur la restauration des vestiges. Ce qui est dommageable.

"Un autre problème : Huê devra former un conseil de patrimoine réunissant des experts ayant des connaissances profondes sur la culture et la restauration", indique Nguyên Xuân Hoa, ancien directeur du Service de la culture et de l'information de la province de Thua Thiên-Huê. Ce conseil pourra représenter la population de Huê, participant aux travaux de consultation, de supervision des travaux de restauration et d'exploitation des vestiges.
Enfin, selon l'architecte Hoàng Dao Kinh, "les vestiges de Huê sont comme les personnes âgées : ils ont besoin de soins permanents". Il ne faut donc pas fixer de date définitive pour l'achèvement de la restauration des vestiges de Huê. Car les vestiges de l'ancienne cité impériale sont pour la plupart en bois. Le patrimoine de Huê a besoin de soins quotidiens, heure par heure, en suivant une ligne directrice simple : conserver mieux que réparer, une petite réparation est préférable à une grande et une importante réparation est préférable à la reconstitution de la ruine.
Le courrier  du Vietnam